C’est aux alentours du XVIe siècle, que la baguette fait ses premiers « pas » au sein des formations orchestrales, avec l’apparition d’un nouveau « poste » : le chef. En effet, depuis le Moyen-Âge et jusqu’à la Renaissance, la musique n’est pas dirigée, en raison du peu de musiciens participant à chaque ensemble : il suffisait donc que l’un d’eux donne le rythme, pour que les autres suivent.
Avec le développement du répertoire romantique et l’augmentation progressive du nombre de ses musiciens de chaque ensemble, l’orchestre a besoin d’un leader pour donner le tempo, et indiquer le départ aux différents instruments : c’est donc naturellement que le maestro se poste sur un podium, pour que tous puissent voir et suivre le mouvement de ses mains.
Quant à l’usage de la baguette, courte et silencieuse, telle qu’on la connaît aujourd’hui, celui-ci connaît un essor progressif, avant de se généraliser au XIXe siècle. On lui préfère longtemps une autre technique de direction : le bâton, consistant à frapper le sol pour marquer le rythme et permettre aux musiciens de jouer ensemble.
Cet usage s’est rendu tristement célèbre par le compositeur et surintendant de la musique du roi Louis XIV, Jean-Baptiste Lully et l’accident qui entraîna sa mort : lors d’un accès de colère au cours d’une répétition du Te deum, le maître se frappe le pied avec sa longue et lourde canne. La blessure à l’orteil entraîne la formation d’un abcès, puis d’une gangrène qui entraîne la mort de Lully, qui refusait de se faire amputer.
Formes et usages
De nos jours, la baguette est généralement faite en bois léger, terminée par un manche en forme de poire ou d'olive, habituellement en liège ou en bois et son usage se révèle très différents selon les chefs d’orchestre, leurs parcours et leur ressenti.
Si certains opte pour une fabrication sur mesure, en fonction de leur morphologie ou de l’œuvre interprétée, d’autres musiciens préfèrent s’en passer complètement : par exemple, Pierre Boulez, qui n’avait jamais de baguette, inculquait à ses apprentis chefs pendant ses master-classes à diriger avec les mains.
Pierre Boulez lors du festival de musique contemporaine de Donaueschingen en 2008.
Paroles de chef… d’orchestrePhilippe Hervé : « Rassembler et synthétiser les idées musicales »Depuis combien de temps dirigez-vous un ou des orchestres ? À la tête de l’orchestre d’harmonie La Lyre du Plessis-Robinson depuis 1993, j’ai effectivement quelques années d’expérience de direction d’un orchestre d’amateurs. Constitué de 79 musiciens, cet ensemble est aujourd’hui un orchestre réputé dans cette formation d’orchestre d’harmonie ayant pour objectif la promotion de la culture musicale d’ensemble au grand public, notamment du répertoire classique d’œuvres originales et des arrangements adaptés pour un orchestre à vents et percussions. Quel est, selon vous, le rôle d’un chef d’orchestre ? Pour moi, le rôle du chef d’orchestre consiste à transmettre au mieux le son qu’il a imaginé (style, articulation, …) en relation avec les éléments culturels liés à l’œuvre. Il doit connaître les éventuelles difficultés techniques rencontrées (modes de jeu, respiration, équilibre des instruments au sein de l’orchestre ou du/des pupitres, intonation, etc …) et les maîtriser. Rassembler et synthétiser les idées musicales proposées indépendamment par les musiciens, afin de conduire vers une seule conception, et transcender l’interprétation. Le chef d’orchestre doit aussi savoir s’organiser. Gérer une répétition (temps de travail, planning, par pupitres, …) et son déroulement (temps de parole, rythme, humour, …) connaître les difficultés matérielles et y répondre, prendre en compte le contexte (acoustique, éclairage, …) maîtriser les tensions éventuelles, établir une relation de confiance systématiquement entre lui et les interlocuteurs (musiciens, public, …) connaître dans les grandes lignes l’organisation des politiques culturelles (locales, régionales, nationales, …) notamment. Votre usage de la baguette ? Pour ma part, et notamment dans des œuvres délicates, il est plus facile de faire ressentir une idée, une expression voir une subtilité musicale avec la main et le prolongement des doigts qu’avec une baguette, dont certains diront qu’elle est le prolongement du bras. Suivant l’utilisation ou non de la baguette, l’important reste pour le chef à trouver la bonne gestique, le regard et l’expression pour que le musicien comprenne la volonté et le désir musical du chef d’orchestre. |
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