Les mots de la musique
Aujourd’hui communément utilisé pour désigner une chanson à succès, l’usage du mot « tube » aurait été lancé par Boris Vian au milieu des années 1950. À cette période, les professionnels de la musique employaient généralement le terme de « saucisson » – référence péjorative à une musique calculée « au kilomètre » et destinée à être vendue en « rondelles » (le vinyle) – pour désigner un succès de variétés.
C’est durant ces années en tant que directeur artistique de la maison de disques Philips que le célèbre auteur et musicien aurait popularisé ce nouveau terme, qu’il emploie à deux reprises dans son essai En avant la zizique... et par ici les gros sous paru en 1958, dans lequel il décrit, dans un ton acide et pamphlétaire, le fonctionnement du monde de la chanson française.
Faisant référence au cylindre rotatif du phonographe – premier appareil de reproduction sonore destiné au grand public et généralement utilisé pour la diffusion des chansons populaires – le mot « tube » y est employé pour désigner des morceaux dont les paroles seraient « creuses », comme la peau du saucisson vidée de sa chair.
Thomas Edison et sa version de laboratoire du phonographe à cylindres (1877).
Une seule définition ?
Alors, à quoi reconnaît-on un « tube » et quelles sont les marques de fabrique qui nous font le désigner ainsi ?
Généralement standardisé à environ trois minutes par l’industrie de la musique – à l’origine, pour des questions de limitation technique des disques de 78, puis de 45 tours – le terme désigne un morceau destiné à être diffusé largement voire, si l’on se fie à la vision quelque peu railleuse de Vian, dans cet unique but.
Il l’a d’ailleurs popularisée avec une chanson écrite pour Henri Salvador en 1957, Le Tube, dans lequel il décrit la manière d’élaborer une chanson à succès avec des paroles banales.
« V'là les accessoires
Pour faire un succès
Un' rue un trottoir
Une môm' bien roulée
Un gars chandail noir
Et cheveux collés
Rengaine qui traîne
Ni triste ni gaie
Voilà les accessoires »
Perdant peu à peu sa dimension péjorative au fil du XXe siècle, le mot « tube » tend aujourd’hui à désigner – à l’image de l’anglicisme « hit » – avant tout le succès d’une chanson, mesuré en France, par ses distinctions de disques d’or (50 000 exemplaires vendus), de platine (100 000) et de diamant (500 000). Mais à l’ère de dématérialisation et des réseaux sociaux, qui redéfinit les formes et les contours du succès, le tube, c’est avant tout celui qu’on partage !
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